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Through the lens // Belgo Mums

La couture n'est pas tout.

Si je ne peux vivre sans elle, il en va de même pour les images.

Où que j'aille, qui que j'aie en face de moi, mon regard est double.

Tandis que l'un se contente de se poser, l'autre détaille, scrute, cadre. Pas toujours de façon très discrète...

Quand je tente d'analyser cette habitude particulière, je lui trouve deux causes: l'inné et l'hérédité.

D'un naturel réservé et plutôt sensible, mon adhésion à un endroit, un groupe est systématiquement précédée d'une phase d'observation, de décryptage des lieux, des gens, des bruits, des odeurs... Le tout me parvient en un jet, parfois violent, et mon cerveau trie, classe, reconnaît ou découvre, accepte ou rejette.

Durant cette phase, d'un point-de-vue visuel, mon environnement me parvient fractionné, comme constitué d'une multitude de clichés ou post-its qui, collés les uns aux autres, les uns sur les autres, reconstituent la totalité du décor. Il en va de même pour les corps, les visages.

Bizarre, vous avez dit bizarre? Je vous l'accorde...

Moins bizarre est le climat dans lequel j'ai grandi.

Un grand-père maternel qui, à la naissance de son aînée, ma môman, décide d'investir dans un bon appareil et commence à documenter son quotidien d'images en noir et blanc. Les clichés se colorisent au fil du temps et trouvent leur place dans quelques dizaines d'albums garnissant la bibliothèque du bureau.

Ils marquent les saisons, égrènent les ans, saluent l'arrivée d'un nouveau membre de la famille, documentent les voyages, témoignent de la visite d'un parent venu de loin, immortalisent les derniers sourires d'êtres dont le rôle touche à sa fin dans ce drôle de roman qu'est l'existence.

Les séries de photographies sont entrecoupées de faire-parts, de coupures de presse, de commentaires manuscrits.

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai le nez plongé dans ces récits de vie.

Le noir et blanc me fascine, symbole d'une époque révolue, il confère aux images une dimension nostalgique. Les visages tantôt graves, tantôt souriants me subjuguent.

Piquée par la même mouche au berceau, ma maman fait l'acquisition d'un appareil-photo et d'un objectif aux dimensions impressionnantes pourvu d'un "macro", alors que j'entame - péniblement - la voie de l'adolescence.

Comme toujours, j'observe.

Ses doigts qui pianotent sur les divers petits boutons, tournent les molettes, se recroquevillent alors que l'index presse le déclencheur.

Sans surprise, ce sont les visages qui marquent ma rétine.

Elle réalise des portraits en gros-plan de mes frères. Je comprends qu'en plus des expressions, c'est le grain de peau, sa moindre irrégularité, qui m'hypnotise.

Au cours de mes années d'université, je lui emprunterai souvent son matériel. En témoignent des dizaines de photos, des portraits surtout, quasi exclusivement noirs et blancs, des gens qui m'entourent à l'époque.

La Mer du Nord devient mon terrain de chasse préféré. Sa luminosité, aveuglante l'été, voilée l'hiver, m'inspire.

Je ne prends pas la peine de lire le manuel d'utilisation de l'appareil. Je canarde au pif, j'enfreins toutes les règles établies de la photographie. Je teste, j'innove, ou du moins je pense le faire, avec réussite ou pas.

La peau et ses imperfections monopolisent mes clichés.

 

Puis, un jour, je raccroche.

Sans doute suis-je arrivée au bout de ce que je poursuis à ce moment-là.

Tradition familiale oblige, je continue à documenter ma vie, ses hauts, ses bas, utilise même de temps à autre un film noir et blanc, tire des portraits, sur demande.

Les années passent.

Through the lens // Belgo Mums

Une nuit, un déclic.

Seule à la maison, le sommeil me fuit.

Les lampadaires de la rue projettent une lumière intéressante sur le lit.

J'empoigne mon engin, sors mes jambes de sous la couette et joue avec les réglages.

Le lendemain, j'envoie des mails à quelques connaissances dont le physique, le grain de peau me touchent.

Je réalise mes premiers clichés dans la foulée.

Mon Skin Project est né.

Je nourris l'ambition de créer une nouvelle page Facebook et, pourquoi pas, un site web.

Je ne suis qu'entrain et motivation. Satisfaite de ma production. Je m'emballe.

 

Ensuite, c'est l'effondrement.

Ma vie privée me glisse entre les doigts, je ne contrôle plus rien.

J'entre en mode survie. 

Ma créativité se fait la malle, ma confiance en moi aussi.

Je case mes photos sur la mémoire de mon ordinateur et les efface de la mienne.

Ce projet rejoint les nombreux autres demeurés à l'état d'ébauches.

 

Il me faut des mois pour oser rouvrir mes fichiers.

Avec beaucoup de crainte et prise d'un véritable malaise physique, j'accepte qu'un photographe professionnel jette un oeil à mes clichés et les commente.

 

"On sent une véritable intention et un regard. Il y a de toute évidence un choix artistique assumé de photographier l'intime, les corps et de saisir des expressions. On sent un grand confort et une complicité entre les sujets et la photographe. Je soulignerais la qualité des éclairages et le parti pris pour les textures. De nombreux cadrages originaux (...) beaucoup de belles experimentations. (...) L'ensemble est cohérent et atteste de très grandes qualités."

 

Je suis choquée. Je lis et relis le message. Il doit parler du travail de quelqu'un d'autre...

Quelques mois passent encore, nécessaires pour avaler et accepter les compliments, pour croire à nouveau que j'ai effectivement quelque chose à exprimer et qu'à ma façon, je l'exprime bien.

 

En mai, fais ce qu'il te plaît nous enjoint le dicton.

C'est également le thème du mois des Belgo Mums.

Empoigner de nouveau mon appareil, mettre des corps, des visages à nu et, contre toute attente, en dévoiler l'aboutissement. Au risque de décevoir. Au risque d'être atteinte dans ce que j'ai de plus fragile: l'ego.

Voilà ce qu'il me plairait de faire, en ce mois de mai 2016.

Et au-delà...

 

(en cliquant sur les photos, vous pouvez les grandir!!)

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Billet écrit sur le thème "En mai, fais ce qu'il te plaît", thème du mois du collectif Belgo Mums dont j'ai la chance de faire partie.

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Alix


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P
Magnifique! Tu as un vrai talent... à ne plus laisser au fond d'un tiroir!!
Répondre
L
Merci!! Je vais tenter de m'y remettre avec plus d'assiduité, dès que le tourbillon de ma vie laisse place à un temps plus serein...
M
juste magnifique bravo!!!
Répondre
L
Merci!!!