4 Octobre 2017
Un an plus tard...
L'adaptation s'est faite très rapidement. Au bout d'une semaine, Thaïs se rendait à l'école comme si elle y était toujours allée. Elle a vite intégré un groupe de copines et s'est même trouvée une "soeur jumelle"...qui ne pourrait pas être physiquement plus différente d'elle, mais ne les contrarions pas!!!
Si on m'avait prédit, à l'époque où j'ai fui la région pour Bruxelles, qu'un jour ma fille intègrerait une école de village idéale nichée au coeur du Borinage, j'aurais bien ri. Ou beaucoup pleuré...
Et pourtant...
L'école présente une architecture typique du début du 20ème siècle: une structure rectangulaire à un étage en briques foncées, de larges escaliers de bois, des plafonds hauts, une girouette pour le bâtiment des primaires, derrière lequel s'étend cette plaine dans laquelle les enfants se défoulent quand le temps le permet. Une cour carrée plantée de quatre grands platanes qui ajoutent à son look rétro. Autour de la cour, outre le bâtiment des primaires, s'articulent une bâtisse plus moderne abritant la salle de gymnastique et un autre bâtiment plus ancien qui regroupe les bureaux et les classes maternelles. La cour des petits est séparée du reste et aménagée de toboggans et autres jeux. Bref, une école comme on en voit dans les albums de Martine, dans laquelle on se sent bien. Il n'y a qu'une classe par niveau, ce qui facilite grandement les échanges avec le corps professoral. Les parents les connaissent tous et ils nous connaissent.
Au niveau de l'immersion, l'école n'en est pas à ses balbutiements. Au moment de notre visite, cela faisait 8 ans qu'elle était au programme avec un beau pourcentage de réussite. Les premiers élèves ayant testé l'immersion fréquentaient déjà les secondaires. En immersion également, pour la plupart.
Au lancement du programme, l'école a travaillé avec des natifs de langue anglaise, souvent les époux/épouses de personnes employées au SHAPE*. Hélas, comme les missions sont de courtes durées, cela signifiait trouver régulièrement des remplaçants et ne permettait pas à l'école de travailler sur une base de personnel stable. La direction s'est alors tournée vers des gens de la région ayant étudié ou vécu à l'étranger, possédant un master en langues germaniques ou encore des gens ayant été eux-mêmes élevés dans un environnement bilingue.
Quand on me demande si je recommande l'immersion, ma réponse n'est cependant pas nettement orientée en faveur de ce type d'enseignement. Comprenons-nous bien: pour Poupoule, tout roule et nous ne regrettons absolument pas notre choix. Seulement, comment donner un avis sur quelque chose qui dépend tellement de l'individu. Chaque enfant est différent, chaque histoire est différente. L'adaptation ou non à l'immersion dépend d'énormément de facteurs: le caractère de l'enfant, ses goûts, ses aptitudes, ses envies, ses intérêts, mais aussi son éducation, l'implication des parents... Comme je le disais plus haut, j'ai fait ce choix en gardant en tête l'éventualité d'un échec.
En effet, il faut savoir que l'immersion ne fait pas partie intégrante du programme des cours, c'est un ajout, une matière supplémentaire. En d'autres termes, le programme des écoles d'immersion n'a pas été modifié ou simplifié pour pouvoir y inclure des tranches horaires dédiées à l'immersion. Il s'agit du programme commun à toutes les écoles primaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles, programme que je trouve, pour ma part, particulièrement conséquent.
L'astuce des écoles d'immersion est de donner une partie de ces cours, souvent 12 périodes, en anglais. On y regroupe les mathématiques et une partie de tout ce qui est Eveil. Tout est amené de façon très ludique afin d'empêcher que l'anglais ne devienne une bête noire pour les petits. Pour éviter les écueils et s'assurer une bonne compréhension, certaines matières sont revues en français. Des plages de remédiation sont également prévues pour s'assurer qu'il n'y ait aucun décrochage.
Tout cela signifie donc plus de travail, à l'école et à la maison, pour les enfants. Un détail pour certains, mais il est nécessaire de le savoir avant de décider d'inscrire son enfant. Si on est adepte du "pas de devoirs à la maison en primaire", mieux vaut passer son chemin. A préciser tout de même, le temps prévu pour les devoirs et leçons ne dépasse pas une demi-heure, il est même souvent inférieur. Si l'enfant maîtrise déjà la matière, tout est bouclé en 10 minutes.
En ce qui concerne Thaïs, petite fille qui depuis toujours à tendance à se lasser assez vite, l'immersion représente un défi qui la maintient intéressée et concentrée, donc ça fonctionne. Quant aux devoirs, même si parfois, elle freine des deux pieds, la plupart du temps, elle est plutôt fière de nous montrer ce qu'elle a appris. Et de creuser, avec notre aide, un peu plus profondément. Elle n'est jamais à court de questions. A nous de cadrer sa curiosité afin de ne pas aller trop au-delà de ce qui est vu à l'école, le but n'étant pas de la désorienter ou d'aller dans une direction opposée à celle prévue par le programme.
Un point important concerne le but de l'immersion et ce qu'on en attend en tant que parent.
Soyons clairs: l'enseignement en immersion tel qu'il est appliqué aujourd'hui ne permet pas à un enfant de sortir de primaire totalement bilingue. Si tel est votre attente, optez carrément pour un enseignement dans la langue étrangère de votre choix ou investissez dans des activités extra-scolaires régulières, des stages et des séjours linguistiques dans cette langue, en plus de l'immersion. Au risque que cet acharnement ne finisse par dégoûter l'enfant qui en est sujet...
Par contre, si votre but est d'ouvrir des perspectives à votre enfants, élargir ses horizons, alors ce type d'enseignement peut vous convenir.
La langue française, comme ses consoeurs latines, est une langue aux sonorités restreintes qui modèle l'oreille d'une façon assez stricte et limitée. Le fait d'intégrer une langue germanique, dans ce cas, élargit la capacité de perception de l'enfant. Il perçoit, en gros, plus de sons que vous, élevés dans une langue, et s'en retrouve plus apte à les répéter également. En découle une plus grande aptitude à apprendre d'autres langues à l'avenir.
Il y a aussi toute cette dimension de crainte chez l'adulte de s'exprimer dans une langue qu'il ne maîtrise pas parfaitement: peur de commettre des erreurs, peur qu'on se moque. A cela s'ajoute la mauvaise habitude de traduire systématiquement ce que l'on entend vers notre langue maternelle. Et d'appliquer le processus inverse lorsqu'il s'agit de répondre: traduire sa réponse depuis sa langue maternelle... sans réaliser que c'est justement en agissant de la sorte qu'on a le plus de chance de commettre ces fatales erreurs qui nous effraient tant.
Un enfant qui est en contact tout jeune avec une autre langue dépasse ces deux problématique. Les erreurs, ils s'en moque. Il a bien assimilé le fait que ça fait partie de l'apprentissage et que le principal dans toute communication est de comprendre et de se faire comprendre. Et puis, ce processus de traduction simultanée lui est totalement étranger. Il comprend et pense dans la langue. J'en parlais d'ailleurs avec une maman, il n'est pas rare que nos bambins comprennent la consigne du devoir en anglais, mais éprouvent des difficultés à nous la traduire. Il ne s'agit pas d'une lacune, juste du fait qu'ils n'éprouvent pas le besoin de traduire pour comprendre.
Une des clés de la réussite de ce type d'enseignement est de bien faire la part des choses, de différencier au mieux les deux langues et leur utilisation. Un local et un prof par langue, c'est une base. J'ai vu des journaux de classe d'autres écoles où on pouvait lire "Dinsdag 26 septembre" et la suite présentant une alternance de phrases en français et en néerlandais. Je trouve cela aberrant. C'est la porte ouverte à la confusion.
La question de l'aide que les parents peuvent apporter est aussi souvent abordée. Quid de ceux qui ne comprennent ni ne parlent la deuxième langue? Au stade de l'immersion, je ne pense pas que cela représente un problème. En effet, il est toujours possible de s'entretenir avec l'enseignant francophone. L'enseignant de la deuxième langue peut également vous proposer une rencontre en privé quand la politique de l'école prévoit qu'il ou elle ne parle pas français devant les enfants.
En début de cycle, il a été clairement demandé aux parents de ne pas interférer avec l'enseignement donné en anglais, à moins qu'on ne le parle à un bon niveau. Apprendre des choses erronées ou une mauvaise prononciation à son enfant n'est pas l'aider. De même, les énoncés des devoirs de math sont toujours illustrés d'une petite icône explicative et, cette matière devant être apprise dans les deux langues, on peut tout à fait faire le devoir ensemble en français.
De plus, l'école a également fourni une liste d'applications ou sites d'apprentissage ludique de l'anglais adaptés à l'âge et au niveau des enfants. A nous de faire confiance à nos bambins. On est en général assez surpris de leur capacité de compréhension et d'adaptation. On nous encourage aussi à leur faire écouter des chansons, regarder des dessins animés en anglais... tout cela aide à former leur oreille.
En conclusion, je dirais que l'idée même de ce type d'enseignement est excellente. A chacun, ensuite, de trouver la formule et l'école qui conviennent à son enfant. A chacun aussi de se renseigner pour connaître les spécificités de l'application de l'immersion propres à l'école. Et surtout, ne pas culpabiliser ou, pire, culpabiliser l'enfant si l'aventure est un échec. Parfois, des différences d'adaptation peuvent émerger au sein-même d'une fratrie. On n'est pas bête parce qu'on n'est pas doué en langues. Cette formule propose un plus à qui veut et peut. Si je prends mon exemple personnel, j'ai eu la chance de faire de belles études littéraires... si on m'avait forcé à accomplir le même parcours en section scientifique, je pense que j'aurais d'abord raté pas mal d'années puis fini par abandonner...
Ainsi se clôture donc mon sujet Ecole en Immersion... J'espère avoir été complète et avoir pu répondre à certaines de vos interrogations, même si tout ceci reste avant tout basé sur notre expérience et non une généralité.
N'hésitez pas à partager votre expérience ou à poser des questions. J'y répondrai avec plaisir!
Je vous inclus ci-dessous les liens vers les deux premiers billets de la série.
Belle semaine à vous et à bientôt!
*SHAPE = Supreme Headquarters Of Allied Powers in Europe ou Grand Quartier Général des Puissances Alliées en Europe. Il s'agit du quartier général du Commandement Allié Opérations (ACO) de l'OTAN. Il se situe à Mons et rassemble entre 10.000 et 15.000 personnes. C'est de là que sont commandées les forces des Etats-Unis en Europe.
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