2 Octobre 2012
Le 1er septembre 2013, Thaïs aura 2 ans et 9 mois et rentrera en 1ère maternelle. Bien au courant des soucis que rencontre l’enseignement bruxellois – plus d’enfants que de places disponibles, insécurité, nombre insuffisant d’encadrants, niveau d’exigence revu à la baisse et programmes scolaires modifiés pour une population croissante ne maîtrisant pas ou peu la langue de l’établissement… - et désireuse de trouver pour ma fille une école de bonne réputation dont la pédagogie reflète nos valeurs, je me suis mise en quête de renseignements dès la fin de l’année 2011 alors que Poule n’avait pas encore un an. Dans la plupart des écoles, la réponse a été de rappeler à la rentrée 2012 car les inscriptions se font exclusivement en cours d’année pour l’année scolaire suivante. Logique, me direz-vous…
Avant de poursuivre, sachant comme une étiquette négative est facilement apposée sur le front de celui ou celle qui s’exprime sans détour sur certains sujets délicats, j’aimerais approfondir ma remarque suivante : niveau d’exigence revu à la baisse et programmes scolaires modifiés pour une population croissante ne maîtrisant pas ou peu la langue de l’établissement… Bruxelles, centre de l’Europe, attire chaque année un nombre croissant d’immigrants venus tenter leur chance sous de meilleurs auspices (c’est du moins ce qu’on leur fait miroiter). On les a baptisés primo-arrivants. Certaines communes en comptent plus que d’autres. Cela est dû, en partie, au regroupement familial ou ethnique. Toute personne déracinée a naturellement tendance à se rapprocher de ce qui lui est familier, famille, amis ou compatriotes. Afin d’éviter d’aggraver le phénomène de décrochage scolaire qui touche sévèrement cette population et est dû principalement (mais pas exclusivement) aux problèmes de communication rencontrés aussi bien avec les parents qu’avec les élèves qui ne maîtrisent pas ou très peu la langue de l’enseignement et méconnaissent les fondements de la culture locale, certaines écoles ont décidé d’attaquer le problème en amont et d’adapter leur pédagogie et leur programme dès l’enseignement maternel. Dans les communes concernées, le projet pédagogique des écoles est donc avant tout basé sur l’apprentissage de la langue de l’enseignement et la compréhension de la culture locale et prévoit également une place importante pour l’expression et le respect de la culture d’origine. Un employé communal à qui Flaminou avait demandé des renseignements sur une école située dans notre quartier lui avait donné l’exemple des communications écrites avec les parents qui ne se font plus par mots, mais par dessins afin de s’assurer que le message passe et soit compris. Cela permet à l’enfant d’avoir, par exemple, le matériel adéquat lors d’activités inhabituelles, mais aussi aux parents de se sentir concernés et impliqués dans la vie de l’école. Malheureusement, comme toute intention louable, celle-ci a son revers de médaille qui est de faire de ces écoles des écoles-ghettos uniquement fréquentées par des enfants issus de l’immigration. A vouloir aider ces gens de manière irréfléchie, on n’arrive qu’à les stigmatiser. Dans une ville où les politiques clament haut et fort que le mot d’ordre de l’enseignement doit être la MIXITE sociale et culturelle, je crie, moi, à l’échec.
Prenons un exemple que je connais bien : le mien. Petite-fille d’immigré constituant à mes yeux un modèle d’intégration – petit
Sarde tout frisé, tout basané devenu bilingue français-néerlandais ayant travaillé toute sa vie pour la poste belge, qui dit mieux ? – je n’ai a priori rien contre la multi-culturalité, bien
au contraire, je l’encourage n’y voyant que les richesses qu’elle peut nous apporter. En plus, j’ai choisi de faire ma vie avec un Flamand ! Irais-je pour autant inscrire ma fille
dans une des écoles précitées ? Non. Et ne me jugez pas trop durement car il y a de fortes chances que vous non plus. Thaïs, belgo-belge, de maman wallonne et de papa flamand, petite zinneke
née dans les Marolles et, on l’espère, bilingue, a-t-elle besoin de rattrapage ou mise au point sur les langues et la culture locales ? Non. A-t-elle besoin d’un espace particulièrement
dédié à l’expression de sa culture d’origine ? Non, elle baigne dedans 24h/24. Ses parents ont-ils besoin de dessins pour comprendre les directives du corps professoral ? Nous avons
cette chance que non. La pédagogie de ces écoles ne correspond donc pas à nos attentes.
A ceux qui me jugeraient malgré tout, je demande : oseriez-vous prétendre que la qualité de l’enseignement et une pédagogie qui reflète vos valeurs personnelles ne se situent pas en tête de liste lorsque vous choisissez l’école dans laquelle votre progéniture va passer le plus clair de sa petite-enfance, de son enfance et de son adolescence ? Si non est votre réponse, alors nous n’avons simplement pas la même conception de ce qu’implique être parent. Nous, parents d’une petite poulette de même pas deux ans, nous sommes longtemps posé la question : qu’envisageons-nous pour la scolarité future de notre fille ? Il en est ressorti que nous opterions idéalement pour une école francophone à pédagogie différenciée qui propose tôt l’immersion en néerlandais et qui favorise, dès la maternelle, le développement de l’enfant par une ouverture au monde, l’apprentissage du respect de soi et d’autrui et du libre examen. Toujours idéalement, cette école serait multiculturelle et vivrait cette caractéristique comme une source de richesse et d’exploration, au lieu de l’employer comme une excuse facile pour dégrader la qualité d’un enseignement qui ne se portait déjà pas très bien. Je vous vois sourire et prêts à dégainer les qualificatifs de douce rêveuse ou gentille naïve, pourtant des écoles rassemblant toutes ces qualités existent à Bruxelles.
C’est marrant dans le fond… Je me suis assise devant mon ordinateur il y a une demi-heure dans le but de vous parler d’une conversation, un vrai dialogue de sourds, que j’ai eue avec une responsable des inscriptions d’une des écoles que nous avions sélectionnées et, de fil en aiguille, j’en suis arrivée à disserter sur un autre dialogue de sourds, celui qui se joue entre les pouvoirs en place et la réalité du terrain. Mais ne digressons pas outre-mesure, bien qu’il y ait des lignes et des lignes à écrire sur l’invraisemblance des décisions prises et l’incohérence voire le caractère inconséquent des « solutions » mises en place, et passons au dialogue comme initialement prévu :
- - Bonjour, je vous contacte afin de connaître les modalités d’inscription en 1ère maternelle pour la rentrée prochaine…
- - Quand est né l’enfant ?
- - Le 20 novembre 2010.
- - Ah, je suis désolée, mais pour les enfants de 2010 toutes les inscriptions sont déjà clôturées.
- - Ah bon ? Mais quand je vous ai appelé l’an dernier à la même époque, vous m’avez conseillé de rappeler en septembre de l’année suivante, ce que je fais…
- - Oui, chez nous, les inscriptions se font toujours à la rentrée pour la rentrée suivante, septembre l’année dernière c’était trop tôt pour un enfant de 2010.
- - Donc je vous rappelle maintenant comme conseillé, mais vous me dites que les inscriptions sont clôturées… ?
- - Oui… (silence)…c’est qu’entre-temps on a eu des demandes…et puis, il y avait des gens sur liste d’attente…
- - Des demandes en cours d’année ?
- - Oui.
- - Mais vous venez de me dire que les inscriptions ne se font qu’à la rentrée !
- - …
- - (Je respire un grand coup) Donc les inscriptions pour la rentrée 2013 sont clôturées…
- - Oui, pour les enfants nés en 2010. Maintenant, on n’accepte plus que les enfants nés en 2011.
- - Ça veut dire qu’il y a encore des places ?
- - Oui…
- - ???
- - …mais pour les enfants de 2011 seulement.
- - Vous plaisantez ?
- - Non.
- - Vous ne croyez pas qu’il serait plus malin de d’abord s’assurer que les tous les enfants de 2010 ont une place avant de passer à ceux de 2011 ?
- - Mais vous savez, on ne fait que suivre le règlement de la commune !
A ce stade, je me suis retenue de prendre ma voiture et d’aller en discuter de visu avec ce drôle d’oiseau. Puis, je me suis ressaisie comprenant que cette pauvre dame semblait bien ennuyée et ne faisait, somme toute, qu’appliquer les règlements de l’école et de la commune. Comprenant ma déception et mon désarroi, elle me conseilla de rappeler début octobre quand des places se seraient libérées sur la fameuse liste d’attente. Ce que je fis. Ce matin.
- - Bonjour, je vous ai appelé le mois dernier pour une inscription en 1ère maternelle pour la rentrée prochaine et vous m’avez conseillé de rappeler en octobre, ce que je fais…
- - (La même voix) C’est pour un enfant né en 2010 ?
- - Oui.
- - Mmmmh oui, mais, vous savez, les inscriptions pour les enfants de 2010 sont clôturées depuis longtemps…
- - Je sais, oui. Et en ce qui concerne les éventuelles places libérées sur la liste d’attente ?
- - Ah, vous savez, il est rare que des places se libèrent. En l’occurrence, aucune place ne s’est libérée. Vous auriez dû appeler dans le courant de l’année scolaire 2011-2012…
J’ai raccroché. Et j’ai noté sur mon petit carnet que cette école correspondait en tout point à nos attentes…sauf en ce qui concerne le personnel administratif. Thaïs fréquentera donc une autre école. Du moins, espère-t-on qu’elle aura une place dans une des écoles de notre choix. On en a sélectionné 8 autres. On en visite une jeudi matin. Fingers crossed.
NB : Cet article se fonde sur mon expérience ainsi que sur le résultat de divers échanges avec des gens actifs dans le secteur de l’enseignement : employés communaux, instituteurs, directeurs, secrétaires… Il ne s’agit donc pas d’allégations gratuites. Le sujet traité est sensible, j’en suis tout à fait consciente. N’hésitez donc pas à me faire part de votre opinion même si celle-ci est diamétralement opposée à la mienne. L’argumentation, c’est aussi à ça que sert un blog !
Voir le profil de Alix sur le portail Overblog
Commenter cet article