19 Juillet 2018
Né quelque part dans les années 50, il avait visiblement beaucoup vécu. Tant et si bien que lorsqu'il a intégré notre demeure, plusieurs personnes m'ont conseillé de lui accorder un repos éternel bien mérité.
Oui, mais. Je parle aux meubles, le saviez-vous? En fait, ce sont eux qui me parlent. Et celui-ci ne me priait pas de lui organiser de somptueuses funérailles, mais bien de lui accorder une seconde vie.
A l'époque, j'avais le ventre tout plein de Céleste et les mouvements entravés. C'est donc l'homme qui s'est collé à la tâche.
La première étape consistait à tenter d'ôter une couche de vernis jaunâtre qui recouvrait jusqu'aux boutons de portes et aux pieds du meuble. L'enlever sans abîmer la surface s'étant révélé impossible, il est devenu clair que le meuble serait peint. Par contre, sous la couche de vernis, les parties métalliques se sont révélées non pas dorées, comme nous le pensions, mais argentées.
Comme beaucoup de pièces de l'époque, le meuble était décoré d'une bande de métal travaillé sur toute sa longueur. Celui-ci avait, hélas, mal traversé l'épreuve du temps. Nous avons donc tout simplement décidé de l'enlever.
Ensuite, après en avoir renforcé les fixations, nous l'avons peint en blanc à l'extérieur et en gris foncé à l'intérieur. Les portes coulissantes sont encastrées à l'intérieur du meuble, ce qui laisse apparaître le ton gris dans l'embrasure de chacun des deux espaces et donne du relief au tout.
Je dois avouer qu'une fois la tâche terminée, nous nous sommes trouvés bien ennuyés. Certes, le meuble était ravissant, mais nous étions incapable de lui trouver SA place dans la maison.
Ce n'est que dernièrement, alors que nous avons été pris d'une crise de réaménagite aiguë au cours de laquelle nous avons presque entièrement revu la répartition des pièces que le survivant a enfin, naturellement, intégré l'espace qui lui revenait.
Depuis, c'est comme s'il avait toujours trôné à cet endroit, dans la salle-à-manger. Il abrite jalousement le bar de l'homme et illumine la pièce en se détachant magnifiquement du bois foncé des lambris.
Alors, qu'en pensez-vous? Avons-nous bien fait de lui accorder une seconde chance?
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